top of page
  • Photo du rédacteurphilippemorganderivery

Comment ressusciter un centre-ville ?

Hier, nous avons vu comment tuer un centre-ville (article complet), aujourd’hui nous allons donner des pistes pour le ressusciter. 3 cas peuvent être envisagés, avec un scénario préventif et deux scénarios curatifs :


Dans le premier cas, il est encore temps de prévenir le danger en amont par différents moyens :


  • Faciliter l’accessibilité du centre-ville de deux manières :

- avec la création de parkings suffisamment grands aux abords immédiats de l’hypercentre qui pourra alors être rendu partiellement ou totalement piéton hors véhicules de livraison, riverains et autres usages particuliers

- en facilitant une accessibilité à vélo, notamment pour les trajets de 10 à 20 minutes depuis les villages et petites villes « satellites » de la ville concernée, afin d’offrir une vraie alternative à la voiture (voir notre article sur le lien entre vélos et commerces). On retrouve cette option dans de nombreuses villes aux Pays-Bas pour parler d’un exemple que je connais.

Cela permet de prendre en compte à la fois les achats de proximité des riverains (marche à pied) ; les trajets de moyenne durée (vélo) et les trajets plus longs où la voiture est souvent indispensable dans la pratique, avec un complément de lignes de bus.


  • Se servir du PLU pour interdire ou restreindre fortement les types d’activités commerciales pouvant être implantées dans les zones d’activités


  • Tirer des leçons du fonctionnement des centres commerciaux (un autre concurrent potentiel du centre-ville) et l’appliquer au centre-ville, en termes de sécurité, de propreté, de marketing et d’expérience utilisateur, de mix de commerces et services, d’adaptation des offres, de gestion de la vacance… en partenariat avec les commerces et services présents. Ce point est déjà traité par de nombreuses villes avec l’établissement d’un manager de centre-ville. C’est aussi un point appuyé par la Banque des Territoires à travers l’accompagnement à la création de foncières de redynamisation de centre-ville ainsi que par l’ANCT, la Banque des Territoires, Action Logement, les EPF, les aménageurs et autres acteurs avec les programmes Action Cœur de Ville et Petites villes de demain, qui proposent une aide à la réhabilitation et à la transformation d’immeubles en centre-ville notamment pour y créer de nouveaux logements, des aides aux entreprises, des financements pour la rénovation du patrimoine remarquable, etc.

On peut résumer ces mesures par l’acronyme ARA : Accessibilité, Réglementation, Attractivité.



Dans les deux autres cas, la zone commerciale a déjà été créée et développée à des degrés divers. Deux stratégies peuvent alors fonctionner sans être mutuellement exclusives :


Dans le deuxième scénario, la zone commerciale est encore embryonnaire ou bien ne fonctionne pas très bien. On sait que par exemple de nombreux hypermarchés sont en perte de vitesse, attaqués par la vente en ligne, les magasins spécialisés, le hard discount… notamment pour tout ce qu’ils apportent en plus qu’un supermarché en ville : l’audiovisuel, l’habillement, le bricolage, le coin lecture et papeterie… La fermeture d’une telle locomotive et l’arrêt des flux qu’elle génère peut entraîner une spirale mortelle pour la zone concernée.


Dans ce cas, et sachant que les enseignes de la grande distribution ont développé ces dernières années des magasins de taille plus compatible avec une implantation urbaine, pourquoi ne pas proposer à l’enseigne concernée de s'implanter en centre-ville sur un format plus petit, en lui garantissant des conditions financières favorables ainsi qu’un stationnement généreux à proximité ? L’accessibilité plus grande du centre combinée au déplacement de cette locomotive encouragerait les autres commerces de la zone à suivre le mouvement.


Les emprises ainsi libérées pourraient donner lieu, dans des proportions variables selon les cas particuliers, à la réalisation de logements bien reliés au centre et renforçant la zone de chalandise du centre-ville ressuscité, à une renaturation de ces espaces artificialisés, à l’implantation de certaines activités productives nécessitant une bonne accessibilité routière et ne pouvant pas s’implanter en centre-ville pour des raisons de superficie, de flux et de nuisances, etc.


Les difficultés pouvant être rencontrées peuvent dans ce scénario être les suivantes : convaincre les enseignes de s’implanter dans le centre-ville ; disposer de fonciers ou d’un immobilier suffisamment dimensionnés pour les accueillir ; gérer les cas où une moyenne surface alimentaire est déjà présente dans le centre-ville et où l’arrivée d’une nouvelle enseigne concurrente pose problème. Ces questions et leurs solutions sont à traiter au cas par cas.


Dans le troisième scénario, la zone commerciale s’est renforcée et a prospéré au fil du temps. Diversifiée, elle est devenue une centralité, certes de « boîtes à chaussures » mais centralité tout de même. Le pragmatisme peut alors conduire à décider d’en faire un véritable morceau de ville, voire dans certains cas exceptionnels, selon sa situation géographique, un nouveau centre-ville, selon deux axes principaux :


  • La création d’une nouvelle urbanité, en travaillant sur la qualité des espaces publics, des liaisons piétons et vélos, et sur la requalification de la façade de certains commerces.


  • La densification de la zone avec la création de nouveaux logements qui permettront de financer le relogement d’activités commerciales en rez-de-chaussée, à travers des opérations tiroirs, des dations et autres mécanismes. Cette densification contribue non seulement à la nouvelle urbanité attendue, mais permet aussi de renforcer la zone de chalandise locale et peut ainsi également bénéficier aux commerces du centre-ville. Les nappes de parking étant alors amenées à disparaître, la question du remplacement de cette offre de stationnement se pose. Pour obtenir l’assentiment des enseignes concernées, la recréation d’un stationnement relativement conséquent sous la forme de parkings silos est souhaitable, avec la possibilité d’en diminuer le nombre par foisonnement avec les places des logements et des programmes de bureaux éventuellement envisagés. Cet assentiment passera aussi, s’ils ne sont pas propriétaires des murs, par des loyers restant maîtrisés dans leurs nouveaux emplacements.

C’est la direction prise par certaines grandes enseignes et leurs foncières ayant pris les devants avec des opérations permettant de valoriser un foncier devenu désirable et de répondre aux attentes des élus et des citoyens-consommateurs en matière d’expérience client et de développement durable.


Elle présente tout de même trois difficultés : la première est liée au relogement des différents commerces en minimisant la perte d’exploitation et à la complexité de ce type de montage. Elle n’est cependant pas insurmontable. La seconde est architecturale, il est compliqué d’intégrer un hypermarché, dans un socle d’immeuble de logement classique. Néanmoins, la taille des hypermarchés a eu tendance à diminuer pour se rapprocher de celles de grands supermarchés, les surfaces de 10 000 m2 ayant fait leur temps, des solutions sont possibles. La troisième est en revanche plus rédhibitoire : ce scénario n’est réalisable que dans des villes où le marché du logement le permet, ou sous réserve d’une subvention d’équilibre de la collectivité. Sans cela, le financement de l’opération est impossible, et la transformation de la zone ne peut se faire que par une requalification superficielle, sa mue en centralité urbaine restant impossible. Le deuxième scénario peut alors s’avérer le seul envisageable.


Dans ce scénario, qu’arrive-t-il aux commerces du centre-ville « ancien » ? Tout d’abord, les évolutions en cours, avec la vente en ligne, les livraisons rapides, le « phygital » viennent relativiser l’offre pléthorique des grandes enseignes et gommer leur avantage comparatif sur les MSA et les petits commerces de centres-villes. Ensuite, toutes les mesures du premier scénario peuvent toujours être appliquées afin de remettre ces deux centralités sur un pied d’égalité : si l’accessibilité est améliorée et devient peu ou prou identique à celle de l’ancienne zone commerciale, si l’apport de population et des liaisons améliorées entre les deux secteurs permettent de passer d’une situation de concurrence et d’un jeu à somme nulle à une situation de complémentarité où tout le monde est gagnant, le centre-ville peut aussi faire valoir des atouts venant compenser l’absence de grandes enseignes : la qualité de l’expérience vécue à déambuler dans les rues piétonnes d’un centre historique requalifié et la saveur et la multiplicité des petits commerces indépendants.


Êtes-vous confronté à ces questions, ou connaissez-vous des territoires qui le sont ? Ville Active et ses partenaires peuvent vous aider à revitaliser votre centre-ville et à trouver des solutions spécifiques et sur mesure à votre problématique. Contactez-nous !



Parking-silo à Alkmaar aux Pays-Bas, entre une voie d'accès et le centre-ville piéton. Les zones commerciales de périphérie des Pays-Bas ne comportent que des enseignes de mobilier, de bricolage, etc. sans hypermarché et commerces de proximité. Source : Google Maps




Posts récents

Voir tout
bottom of page